Deutsche Welle | Le président camerounais pourrait de nouveau être hospitalisé à l’étranger. Réactions résignées, au Cameroun, à l’absence prolongée du chef de l’Etat.
Au Cameroun, les problèmes de santé du président camerounais, Paul Biya, avec une possible nouvelle hospitalisation à l’étranger, font ressortir les discussions autour de sa succession.
Cela fait en effet plusieurs semaines que la santé du président Paul Biya, âgé de 91 ans, l’a éloigné de ses fonctions. Ce nouvel épisode s’inscrit dans une longue série d’absences médicales et face à cela, les Camerounais sont peu surpris, habitués aux voyages, sanitaires ou non, de leur président.
Un Cameroun gouverné “derrière les rideaux”
“Il y a encore un président dans ce pays ? Vous blaguez…”
“Le président est dans une chorégraphie à laquelle l’on devrait déjà être habitués.”
C’est sans surprise que certains Camerounais sont confrontés à la nouvelle supposée absence prolongée du président Paul Biya.
L’homme politique Saint Eloi Bidoung, ancien militant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir, déplore ce manque de transparence sur la santé de Paul Biya.
“Les absences répétées du président ne doivent surprendre personne, estime-t-il. Même si j’ai le fort sentiment que le Cameroun est gouverné désormais derrière les rideaux. Ce qui est dommage ! Les Camerounais sont en droit d’exiger, de savoir ce que fait le président, où il est et comment il se porte.”
Guerre de succession
La dernière apparition de Paul Biya date d’il y a quelques semaines, à l’occasion du 4e Sommet du Forum sur la coopération sino-africaine. Depuis, plus de nouvelles du président nonagénaire.
Ce vide du pouvoir, qui n’est pas tout à fait nouveau, fait redouter des luttes internes au sein du gouvernement et du parti au pouvoir.
Clarisse Yindou est étudiante en droit et elle a le sentiment que l’après Biya est en train de prendre une nouvelle dimension.
“La guerre pour la succession du président est désormais ouverte entre les élites. Vous pouvez le voir, la solidarité gouvernementale a foutu le camp. Chacun fait ce qu’il veut, vole comme il peut et c’est nous, le bas peuple, qui souffrons. Ça se voit que c’est la photo du président et sa signature qui gouvernent ce pays”, estime l’étudiante.
Cette absence de leadership, qui remonte à plusieurs années, a engendré des tensions au sein de l’administration et entre les différents ministères, avec, pour résultat, une bureaucratie inefficace et des projets d’infrastructure stagnants.
Les reculs de l’ère Biya
Saint Eloi Bidoung estime pour sa part que le président Paul Biya a échoué :
“Je ne pense pas que durant le septennat qui vient, le président soit en état de pouvoir diriger le Cameroun. Il a hérité d’un pays en paix, il est en train de partir en laissant le pays en guerre. Il a hérité d’un pays en voie de démocratisation, il a ramené les investitures, c’est un recul. Il a hérité d’un pays qui avait une économie relativement prospère, il en a fait une économie à genou. Il a hérité d’un Cameroun où les Camerounais avaient trouvé du plaisir à vivre ensemble, aujourd’hui c’est le tribalisme, c’est un échec.”
Certains Camerounais affirment que l’absence est une stratégie du président Paul Biya pour se maintenir au pouvoir en 2025. Mais une grande partie de la population, qui n’a connu qu’un seul président depuis plus de quatre décennies, réclame simplement un changement et une ouverture démocratique.