Tribune de Genève | L’opposant politique camerounais a été assassiné le 15 octobre 1960 par un agent des services secrets français. Un rapport a été remis au président camerounais Paul Biya ce mardi.
Le 15 octobre 1960, l’une des figures de la lutte pour l’indépendance camerounaise, Félix Moumié, président de l’Union des populations du Cameroun (UPC), était assassiné à Genève. Victime d’un empoisonnement au thallium, Moumié décédait à l’hôpital de Genève le 3 novembre 1960 à la suite d’une longue agonie. L’opposant était venu à Genève chercher des financements pour la lutte armée et des contacts pour son parti.
Un rapport sur le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes camerounais revient sur cet épisode de l’histoire et a été présenté mardi à Yaoundé au président camerounais Paul Biya, habitué de l’hôtel Intercontinental de Genève. Ce document est le fruit d’un travail mené depuis mars 2023 par des historiens camerounais et français, sous la direction de la chercheuse française Karine Ramondy. Un rapport qui s’inscrit dans le cadre de la politique mémorielle voulue par le président français Emmanuel Macron.
«Je sais briser la nuque d’un homme»
Son assassin présumé, William Bechtel, est un espion français du SDECE, l’ancêtre de la DGSE, les services extérieurs de renseignement et d’action clandestine. Il a sans doute agi avec
l’assentiment officieux des autorités françaises, par l’entremise de Jacques Foccart, l’architecte des réseaux et des basses œuvres de la «Françafrique» sous de Gaulle, selon le rapport.
«Je sais briser la nuque d’un homme sans qu’il ait le temps de crier. Je sais tuer. Mais j’ai l’air inoffensif», peut-on lire dans un cahier personnel retrouvé au domicile de William Bechtel. Ce dernier a approché M. Moumié en se présentant comme journaliste proche des réseaux anticoloniaux.
Trois pastis au «goût infect»
Les deux hommes, une femme et un autre homme, dînent le 15 octobre 1960 au Plat d’Argent, un restaurant chic de Genève. Le 16, Moumié souffre d’une «paralysie partielle des membres et une sensation de froid». Transféré à l’hôpital, son état se dégrade. Il a le temps de dire qu’il pense avoir été empoisonné, ayant bu trois pastis dont l’un avait un «goût infect». Les analyses d’urine révéleront un fort pourcentage de thallium (utilisé dans la mort-aux-rats).
Des traces de thallium seront retrouvées dans la poche de la veste de Bechtel. Celui-ci sera arrêté en 1974 en Belgique, et bénéficiera en 1980 d’un non-lieu de la justice suisse, faute de preuves, avant de mourir quelques années plus tard. La dépouille de Félix Moumié a été transférée à Conakry en Guinée, où elle a été embaumée et déposée dans un sarcophage car les autorités camerounaises avaient refusé que le leader de l’opposition soit enterré dans son pays.
Pour le rapport rendu mardi, la mort de Moumié est clairement un «assassinat politique impliquant la responsabilité du gouvernement français».
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