Le rapport sur la colonisation française au Cameroun remis au président Paul Biya

RFI | La commission sur le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes au Cameroun a remis son rapport ce mardi 28 janvier au président Paul Biya, une semaine après avoir été remis au président Emmanuel Macron. Le groupe, composé de quatorze experts, a travaillé pendant deux ans, et espère que ses travaux seront intégrés dans des programmes scolaires.

C’est bien une « guerre de décolonisation », selon les termes retenus par les auteurs du rapport, qu’ont mené les autorités coloniales et l’armée française au Cameroun, au même titre qu’en Indochine ou en Algérie. Une « guerre totale », selon l’historienne Karine Ramondy qui se joue sur le terrain militaire, donne lieu à des massacres, des rafles et des déplacements massifs de populations ((des créations de zones d’exception, dont la Zopac (zone de pacification) dans la région côtière de Sanaga-Maritime, mais qui s’exerce aussi sur les terrains administratif, judiciaire et politique.

« Nous avons documenté la mise en place au Cameroun d’une justice racialisée et inégalitaire », a expliqué Karine Ramondy lors de la remise du rapport, ainsi qu’un système politique marqué par la « censure, l’iniquité et la mise en place de faux partis cooptés par les autorités françaises ». Le rapport décrit également la façon dont la France s’active pour empêcher, par exemple, les leaders indépendantistes d’aller plaider leur cause à l’ONU.

Cette guerre, amorcée dès 1945 après la Seconde Guerre mondiale, s’est intensifiée après l’interdiction de l’UPC par la France en juillet 1955, sous la houlette du Haut-Commissaire de l’époque, Roland Pré et ne s’arrête avec l’indépendance du Cameroun en 1960. Cette année-là, la France se livre par exemple à des « mitraillage et des bombardements aériens d’habitations dans l’ouest du pays », selon le rapport, qui écarte l’utilisation de napalm au Cameroun, mais mentionne le « recours à des cartouches incendiaires, particulièrement dévastatrices ».

Deux années de travaux

Cette commission, née de la volonté des deux présidents, avait été annoncée lors de la visite d’Emmanuel Macron il y a deux ans au Cameroun, rappelle notre correspondant à Yaoundé, Polycarpe Essomba. Elle devait dépoussiérer des archives jusqu’ici gardées secrètes sur la période allant de 1945 à 1971, pendant laquelle la France a mené une guerre sanglante contre des nationalistes opposés à la présence de cette ancienne puissance colonisatrice au Cameroun.

En deux ans de travaux, la commission dit avoir dépouillé 1 100 cartons d’archives, avoir eu accès à 2 300 documents déclassifiés et réalisé une centaine d’entretiens, entre autres. Un travail que les membres qualifient de « titanesque » et qui n’a pas été sans défis, l’équipe étant pluridisciplinaire, constituée de quatorze experts équitablement répartis entre français et camerounais.

Alvine Ndi Assembe, historienne camerounaise, est une membre de la commission : « En tant qu’individus ayant des trajectoires différentes, nous avions chacun ses sensibilités. J’en veux pour exemple mes divergences avec le professeur Koufan sur le rôle du président Ahmadou Ahidjo, ça a été très tendu. Et Dieu seul sait combien de fois, nous avons dû écrire des parties du rapport ensemble ».

Répandre les nouvelles connaissances

Si les présidents Emmanuel Macron et Paul Biya ont eu la primeur de ce volumineux travail consigné dans un rapport de mille pages, l’historienne française Karine Ramondy, qui co-présidait avec le chanteur camerounais Blick Bassy cette commission, a assuré que le rapport serait disponible en libre accès sur Internet.

Cette volonté de partage ne s’arrête pas là : des recommandations ont ainsi été faites pour que cette période trouble et méconnue de l’histoire du Cameroun soit enseignée. « L’une des demandes qui a été faite aux deux présidents de la République, c’est de faire entrer cette guerre du Cameroun comme une autre guerre de décolonisation dans les programmes scolaires. Nous avons fait des recommandations, et nous les avons faites tout notre sérieux, notre objectivité, mais là suite politique ne nous appartient pas », rappelle Alvine Ndi Assembe.

Une préoccupation à laquelle le président Paul Biya a fait lui aussi mention au palais de l’unité lors de la réception du rapport. Il a évoqué la construction de lieux de mémoire à travers le pays et l’adoption de nouveaux programmes d’enseignement.

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