Affaire Martinez Zogo au Cameroun: les nouvelles nominations de magistrats posent question

RFI | Après les nouvelles nominations au tribunal militaire de Yaoundé, annoncées par décret présidentiel mercredi 13 décembre, quel avenir pour l’enquête sur la mort de Martinez Zogo ? Un nouveau vice-président a été nommé, le lieutenant-colonel Nzié. Il cumule ses fonctions avec celles de juge d’instruction. Sera-t-il en charge de l’information judiciaire à la place ou en complément du juge Sikati ? Rien n’est dit formellement pour le moment

Pour le moment, rien n’a changé dans l’enquête sur la mort de l’animateur Martinez Zogo. Le juge d’instruction, le juge Florent Aimé Sikati II Kamwo bien que fragilisé par l’épisode du 1er décembre – jour de l’ordonnance de fin de détention provisoire de deux mis en examen, ordonnance notifiée aux avocats puis désavouée – est toujours en poste et il est toujours en charge de l’information judiciaire. Tous les observateurs et parties prenantes à l’affaire attendent de voir maintenant ce que seront les conséquences de l’affectation au tribunal d’un nouveau vice-président qui cumule les fonctions de juge d’instruction.

Avec son grade de lieutenant-colonel, en principe, le nouveau vice-président Narcisse Pierrot Nzié a la compétence pour mener l’information judiciaire sur la mort de Martinez Zogo. Il est aussi suffisamment haut dans la hiérarchie militaire pour juger l’affaire s’il y a un procès. Car au sein de la justice militaire, la désignation des juges doit respecter le principe hiérarchique. Le juge en charge d’un dossier doit être d’un grade supérieur aux prévenus. S’il est de même grade, il doit d’être d’une ancienneté supérieure.

Or, dans le cadre de l’affaire Martinez Zogo, l’une des personnalités mises en examen, Justin Danwe, est lui-même lieutenant-colonel. Mais faire cet état des lieux n’indique pas encore quelle sera l’option choisie officiellement pour la suite de l’enquête.

Situation problématique

Pour Me Jacques Mbuny, avocat d’un des militaires mis en examen Justin Danwe, les différentes interprétations sur l’avenir du juge Sikati ajoutent du flou à une situation problématique depuis le 1er décembre. « Est-ce que le fait pour un magistrat de prendre une ordonnance devrait valoir pour lui d’être dessaisi du dossier ou d’être changé ? Moi, cela me pose problème comme avocat. Cela voudrait dire que l’indépendance de ce juge d’instruction serait mise en cause. Je ne pense pas que ce qui est en train de se faire va forcément ramener la sérénité. Cette sérénité a déjà été ébranlée par le flou qui a existé au moment où l’ordonnance est sortie, après y a eu des démentis, des contre-démentis. Voilà où se posait le problème. Est-ce que vous pensez que cela est rattrapable ? À mon avis, je ne pense pas. »

Sur cet épisode du 1er décembre, aucune clarification officielle à ce jour. Que le juge Sikati soit maintenu ou dessaisi, Me Mbuny espère que l’enquête sera bientôt close pour aller au procès.

Mais pour une affaire si sensible, pourquoi ne pas envisager une configuration inhabituelle ? La loi n’interdit pas qu’une enquête au niveau du tribunal militaire soit menée par plusieurs juges d’instruction. L’avocat des ayants-droit de Martinez Zogo, Maître Calvin Job, plaide pour qu’il y en ait deux sur le même dossier et voit dans ces nominations l’espoir d’un renforcement de l’instruction en cours. « Il faut a minima un duo de juges dans cette affaire pour que si des gens avaient encore des velléités de vouloir soudoyer, voire orienter d’une certaine façon l’instruction, serait plus difficile de le faire à deux qu’à une seule personne. »

  • Me Calvin Job, avocat des ayant-droits de Martinez Zogo

Nous avons sollicité dès le départ qu’il y ait une collégialité au niveau de l’instruction. Nous avons estimé qu’une telle affaire, un juge d’instruction, seul, n’était pas en mesure de gérer les pressions. J’ai même saisi le président de la République par courrier la semaine dernière pour remettre de l’ordre dans cette instruction. La nomination d’un nouveau juge d’instruction vient dans le sens de renforcer les capacités de ce tribunal.

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